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«Jean-Paul Bronckart et Cristian Bota, Bakhtine démasqué. Histoire d’un menteur, d’une escroquerie et d’un délire collectif»: Yan Hamel

«But the truth is, nothing delights me more than a biography of one of the truly great that proves he or she was an absolute shit».
Mordecai Richler, Barney’s Version

Il ne fait aucun doute que l’accablant pavé cosigné par Jean-Paul Bronckart et Cristian Bota a tout ce qu’il faut pour donner aux Barney Panofsky de ce monde les plaisirs de lecture pervers dont ils se délectent : on y apprend en effet non seulement que le théoricien au nom de qui sont associés les concepts de polyphonie, de carnaval et de chronotope fut un menteur, un escroc et l’instigateur d’un « impressionnant délire collectif » (p. 275), comme l’indique le transparent sous-titre de l’ouvrage, mais aussi que Bakhtine fut un thuriféraire de Staline très marqué à droite, qu’il méprisa le marxisme, écrivant pour des organes slavophiles et religieux dont l’idéologie était « radicalement réactionnaire1 » (p. 408), qu’il éprouva une constante « aversion pour les connaissances humaines » (p. 371), qu’il occupa sur le terrain intellectuel une « position effective […] avoisin[ant] l’autisme » (p. 376), qu’il eut des idées se caractérisant à la fois — et plutôt contradictoirement — par la « banalité » et par la capacité à produire de « sérieux dégâts philosophiques » (p. 367), qu’il écrivit des textes d’une « médiocrité intrinsèque » (p. 554) et fit des déclarations « dramatiquement stupides » (p. 571), qu’il s’inscrivit dans « une perspective régressive et destructrice » (p. 408), qu’il plagia sans vergogne à tous les râteliers, qu’il fut toutefois incapable d’« articuler de manière cohérente les cadres théoriques des divers auteurs qu’il plagiait » (p. 301), qu’il reprit « mollement » le « thème du dialogisme » (p. 223) à Volochinov, qu’en s’emparant des trois grands textes disputés2 il fit preuve d’« un répugnant cynisme » (p. 257), qu’il fut perclus de ressentiment et d’amertume à l’endroit des deux génies dont il s’est approprié les oeuvres (p. 555), qu’il laissa spécieusement croire à l’existence d’un Cercle de Bakhtine, que ses textes de vieillesse furent « largement remaniés par d’autres » (p. 143), qu’il élabora dans ses écrits de jeunesse des thèses « simplificatrices et confuses (voire proprement inintelligibles) » (p. 117), qu’il fut toujours trop paresseux pour terminer un travail et que, pour toutes ces raisons, il provoqua « l’un des plus spectaculaires exemples d’intoxication intellectuelle qu’ait connu le XXe [siècle] » (p. 269).

Voilà une « ténébreuse » (p. 14), « triste » (p. 333), « intrigante affaire » (p. 70) qui a ensuite été aggravée, amplifiée, noircie et brouillée encore davantage, transformée en une « campagne fructueuse à tous égards » (p. 11) — la Bakhtin Industry — par les cohortes successives des disciples : les adeptes du bakhtinisme, cette « approche de la littérature a-épistémologique, a-théorique, ou encore tout simplement “bien-pensante” » (p. 275). Sous l’impulsion des « promoteurs russes de l’affaire » (p. 136), qui ont les premiers accompli une « réécriture de l’histoire » (p. 194) visant à faire de « leur si rentable idole » (p. 13) l’objet d’un « culte de la personnalité […] en Union soviétique » (p. 194), nombre d’intellectuels occidentaux ont emboîté le pas, diffusant à leur tour « le mythe de Saint-Bakhtine » (p. 319), entreprenant spielberguement de « sauver le soldat Bakhtine3 » (p. 327) en en faisant à la fin des années 1970 « une sorte de héros providentiel pour les sciences de la littérature » (p. 85) et contribuant par-là à provoquer « l’ensemble des désastreuses conséquences que l’on connaît » (p. 583). Issus de « l’ignoble contexte global de l’escroquerie » (p. 311), montrant à peu près tous que « la profonde indigence de la sémiologie proprement bakhtinienne a déteint sur celle de ses adeptes » (p. 315), les ouvrages phares publiés jusqu’à présent sur Bakhtine sont donc « littéralement fondés sur le mensonge » (p. 275); par leur faute, « le mensonge fondateur du bakhtinisme continue, encore et toujours, de produire ses effets dévastateurs » (p. 517). Mais, surmontant le « dégoût que pourrait susciter pareille prose » (p. 154), Bronckart et Bota donnent enfin l’heure juste sur les principales « élucubrations » de la « supercherie bakhtinienne » (p. 189). Mikhaïl Bakhtine le principe dialogique (1981) est un « monstrueux “montage” » (p. 275), un « travail complexe et souvent aux limites de l’intelligibilité » (p. 105), dans lequel Tzvetan Todorov crée des amalgames afin de livrer une « interprétation falsifiante » (p. 131), se rangeant finalement à la thèse de l’omni-paternité4 « pour des raisons que nous préférons ne pas tenter de comprendre » (p. 177). Dans The Bakhtin Circle. Philosophy, Culture and Politics (2002), comme du reste dans ses nombreux autres ouvrages sur la question, Craig Brandist « procède à une sollicitation des textes qui laisse pantois, et que l’on est contraint de qualifier de proprement scandaleuse » (p. 552). Les attaques les plus lourdes sont toutefois dirigées contre les « ragots colportés par [Katerina] Clark & [Michael] Holquist » (p. 311) dans leur biographie, Mikhail Bakhtin (1984). Se démarquant notamment par son « indigence méthodologique » et par ses « erreurs factuelles » (p. 201), cette « obscène entreprise » (p. 467) est d’un « caractère proprement monstrueux [… et] constitue un exceptionnel condensé d’approximations, d’inventions et de pseudo analyses », lesquelles ont entraîné « de très graves conséquences sur l’évolution des sciences des textes et de la littérature » (p. 588). Cette biographie est en fait si tendancieuse et si déficiente qu’elle suffirait à prouver hors de tout doute, contre les intentions de ses auteurs, que la thèse de l’omni-paternité bakhtinienne est fondamentalement insane et malhonnête : « [L]es diverses argumentations [que Clark et Holquist] proposent sont à ce point gratuites, contradictoires, fallacieuses et calomniatrices qu’elles font clairement apparaître que cette thèse ne relève que d’une bien peu reluisante machination » (p. 177). Devant tant de perfidie, une conclusion s’impose : Michael Holquist est un « slaviste américain manifestement cautionné, voire délégué, par les promoteurs moscovites de Bakhtine » (p. 133)
Le dévoilement de ces âpres vérités repose sur un triple travail, remarquable à plusieurs égards, d’historien, de lecteur et de rhéteur.

Reseña completa

Fuente: https://uottawa.scholarsportal.info/

Mikhaïl Bakhtine came to be considered the « greatest literary specialist of the twentieth century » after the publication of his older manuscripts and the claim that he was the actual author of the 1920s texts by Medvedev and Voloshinov. A veritable Bakhtine literary industry grew out of this focusing on the unity and coherence of his work. Archival publications and interviews with Bakhtine released at the end of the century demonstrated that he had in fact lied about his biography and falsified and plagiarized texts. Jean-Paul Bronckart and Cristian Bota examine Bakhtine’s motivations, the actual origin of the texts he claimed, as well as the obstinacy of some scholars in continuing the tradition of Bakhtine’s genius.

Première partie : éléments dʼhistoire du bakhtinisme

  • Chapitre 1. La première vie de Bakhtine et de son cercle
  • Chapitre 2. Les premières réceptions des « textes retrouvés »
  • Chapitre 3. Lʼirrésistible ascension de Bakhtine et de son œuvre
  • Chapitre 4. Le prodigieux développement de la Bakhtin Industry et ses querelles politico-littéraires
  • Chapitre 5. Les ultimes déclarations du “témoin” Bakhtine
  • Chapitre 6. Les « retours de lʼhistoire» et leurs curieux effets sur le bakhtinisme

Deuxième partie : analyse comparative des œuvres de Bakhtine, Volochinov et Medvedev

  • Chapitre 7. Les écrits de jeunesse de Bakhtine
  • Chapitre 8. Lʼœuvre de Valentin Volochinov
  • Chapitre 9. La Méthode formelle de Pavel Medvedev
  • Chapitre 10. Des rapports entre les écrits du jeune Bakhtine, de Medvedev et de Volochinov
  • Chapitre 11. La problématique des deux Dostoïevski (1929 et 1963)
  • Chapitre 12. Du statut des textes tardifs signés de Bakhtine

El libro se puede adquirir en: http://www.droz.org/

Ver también: Cristian Bota et Jean-Paul Bronckart, « Volochinov et Bakhtine : deux approches radicalement opposées des genres de textes et de leur statut », Linx, no 56 « Linguistique des genres : Le programme de Bakhtine et ses perspectives contemporaines », 2007, p. 73-89 [texte intégral].

La editorial Machado está preparando una traducción de la obra al castellano que es posible que esté lista para este verano.

 

 

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